Construire l’équité territoriale de la Tunisie
Tunis, 17-19 novembre 2011
Appel à communication
Date limite de réponse : 30 juin 2011
Colloque organisé par :
- La Fédération tunisienne des Clubs UNESCO-ALECSO, Club « Savoir et développement durable » (FTCUA-SDD, Tunis)
- Le Laboratoire de recherches de l’Ecole nationale supérieure du paysage (LAREP, ENSP, Versailles)
- L'Ecole nationale d'architecture et d'urbanisme (ENAU, Sidi-Bou-Saïd)
- L’Institut supérieur des technologies de l’environnement, de l’urbanisme et du bâtiment (ISTEUB, Université de Carthage)
Avec le concours de l'Institut français de coopération (IFC - Tunisie)
Comité d’organisation :
Pour la Tunisie :
Moez Bouraoui (ISTEUB), Boubaker Houman (CUA-SDD), Azza Amami (CUA-SDD)
assistés de Yassine Marzouki et Taoufik Baya
Pour la France :
Roland Vidal (ENSP), Saloua Toumi (ENSP / CUA-SDD)
Comité scientifique :
Saïd Almi, Taoufik Belhareth, Moez Bouraoui, Ridha Boukraa, Morched Chabbi, Catherine Chomarat-Ruiz, Pierre Donadieu, Boubaker Houman, Jean-Marie Miossec, Walid Oueslati, Daniel Pinson, Pierre Signoles, André Torre, Yassine Turki, Roland Vidal
Le colloque se déroulera les 17 et 18 novembre, une sortie de terrain (facultative) sera organisée le 19.
Droits d’inscription (documentation et repas de midi compris, sortie de terrain non comprise*) :
Europe : 150 Euros (étudiants 75 Euros)
Maghreb : 150 DT (étudiants 75 DT)
Les étudiants ne disposant pas de financement peuvent adresser une demande motivée de dispense de droit d’inscription. Les demandes seront étudiées au cas par cas et satisfaites en fonction des ressources disponibles.
Date limite d’envoi des résumés : 30 juin
Evaluation par le Conseil scientifique : 15 juillet
Date limite de remise des articles : 15 septembre
Voir les consignes aux auteurs en annexe.
* La participation aux frais demandée pour la sortie du 19 novembre, ainsi que les lieux choisis pour cette sortie, seront communiqués aux participants avant l’inscription définitive.
Préambule
Nul n’en doute aujourd’hui, l’année 2011 marquera une étape majeure dans l’histoire de la Tunisie. Ce que seront ses conséquences sur le reste du monde reste une inconnue, mais ce qui est certain, c’est que la manière dont la Tunisie évoluera dans les mois et les années qui viennent aura des répercussions qui s’étendront bien au-delà de ses frontières. L’enjeu de cette évolution est donc, lui aussi, majeur, et les chercheurs de tous horizons ne peuvent rester en marge de ce qui se construit aujourd’hui.
Entre le nécessaire recul dont ont besoin les professionnels de la recherche pour analyser sereinement les phénomènes de sociétés qui s’enchaînent aujourd’hui à un rythme effréné, et l’urgence dans laquelle ils se trouvent de prouver leur aptitude à être réactif et à contribuer à répondre aux attentes d’une société en ébullition, des postures intermédiaires sont possibles.
Elles peuvent s’appuyer sur cette levée aussi soudaine que radicale d’une censure qui les frappait eux aussi et les contraignait à laisser dans l’ombre une bonne partie de leurs travaux. La dernière Lettre de l’IRMC en témoigne : qu’ils soient urbanistes, sociologues, historiens, géographes, politologues ou économistes, et sans doute de bien d’autres disciplines encore, les chercheurs sont nombreux à vouloir profiter de « cette belle libération de la parole que vit actuellement la société tunisienne » (1).
L’objectif de ce colloque n’est pas d’inviter la totalité des chercheurs concernés par la Révolution tunisienne, ce serait une ambition démesurée. Mais il est de rassembler tous ceux qui, quel que soit leur champ disciplinaire, ont une compétence à apporter en matière d’aménagement du territoire.
Car pour répondre aux aspirations légitimes du peuple tunisien, les pouvoirs publics devront se doter des institutions qui permettront la formation des figures professionnelles dont la Tunisie va avoir besoin. Au-delà de la publication des actes, moment important de la valorisation d’un colloque, celui-ci voudrait surtout aboutir à un état des lieux des réflexions qui serviront à nourrir cette future formation.
Les communications attendues ne sont pas tenues de s’inscrire dans un cadre disciplinaire prédéfini, mais elles devront contribuer à cette réflexion et s’inscrire dans l’un des axes décrit ci-dessous.
Axe 1 : Replacer l'arrière-pays dans un projet de territoire national
Longtemps axées sur les grands centres urbains de la bande littorale, les politiques publiques d’aménagement et de gestion ont généré des ségrégations socio-spatiales manifestes entre ceux-ci et l’arrière-pays.
Cette ségrégation a engendré une iniquité territoriale fortement ressentie par la population de ces territoires paupérisés, mal desservis et sous-équipés.
Et ce sont bien les habitants de Sidi-Bouzid, de Kasserine, de Thala, de Makthar et de bien d’autres villes de cet arrière-pays qui ont porté la Révolution tunisienne et remis en cause les stratégies de gestion et les modes de gouvernance du territoire national. L’urgence d’une véritable politique d’aménagement du territoire, participative et équitable, s’impose donc aujourd’hui comme un objectif incontournable.
Quel choix politique en matière d’aménagement du territoire faut-il adopter pour atténuer le déséquilibre régional ? La décentralisation, ou plus généralement les politiques « régionalistes », sont-elles de nature à résoudre ce problème ou risquent-elles, au contraire, d’aboutir à un isolement économique encore plus grand des régions défavorisées ?
Quels scénarios d’aménagement peut-on imaginer pour répondre durablement aux aspirations des sociétés locales ?
A quelle échelle doivent être pensés ces scénarios, entre les infrastructures de transport susceptibles de désenclaver ces lieux de vie marginalisés, et l’amélioration du cadre de vie susceptible d’en améliorer l’attractivité ?
Axe 2 : Elaborer une politique environnementale partagée par les habitants
Depuis 1991, le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable représente l’institution publique chargée de la mise en œuvre de la politique de l'État en matière de protection de l’environnement, de sauvegarde des espaces naturels et de valorisation du paysage urbain et périurbain. Il a multiplié pour cela les outils d’intervention et les programmes d’actions, notamment dans les domaines de la promotion de l’esthétique urbaine et de la protection des espaces naturels avec, entre autres, la création d’une vingtaine de parcs urbains, la promulgation de nouveaux parcs nationaux et l’accroissement du nombre des réserves naturelles.
Pourtant, l’analyse de la situation actuelle montre que ces initiatives et actions n’ont pas atteint les objectifs escomptés et tout particulièrement sur le plan social. La très faible fréquentation des parcs urbains et la privatisation de certains d’entre eux, le changement de vocation de certains sites naturels protégés, la dégradation de certains parcs nationaux et réserves naturelles perpétrée par les habitants voisins pendant la période de trouble post-révolutionnaire en sont les indicateurs les plus évidents.
Comment intégrer les populations riveraines des espaces naturels dans la dynamique de leur protection et de leur gestion, afin qu’elles ne se sentent pas dépossédées d’un territoire qu’elles considèrent comme le leur ?
Quels modes de compensation équitables envisager pour tous ceux qui, comme les agriculteurs, les éleveurs ou les bergers, sont gênés dans leur fonctionnement économique par les limitations d’accès qui s’avèrent nécessaires, notamment dans les réserves naturelles ?
Dans quelle mesure les modèles européens, comme les parcs naturels régionaux en France ou en Allemagne, pourraient-ils représenter une expérience utile à la Tunisie ?
L’écotourisme qui se développe depuis quelques années représente-t-il une solution d’avenir, ou risque-t-il d’aggraver encore le sentiment de dépossession s’il s’affirme trop comme un tourisme de luxe ?
Axe 3 : Repenser les territoires périurbains pour une meilleure équité économique et environnementale
La fracture territoriale qui a marginalisé l’arrière-pays tunisien concerne également la majeure partie des extensions périurbaines. Si certaines banlieues ont vu se concentrer des investissements lourds en matière de commerce, d’industrie ou d’habitat, la plupart d’entre elles ont été condamnées à une paupérisation qui s’aggravait régulièrement à mesure que les populations fuyant l’arrière-pays s’entassaient dans les seules banlieues où l’habitat leur était accessible.
Essentiellement guidé par des perspectives de plus-value qui profitaient aux tenants du pouvoir depuis des décennies, l’étalement de ces villes, et tout particulièrement celui du Grand Tunis, s’est fait sans véritable réflexion sur ce que pourrait être un développement urbain durable et profitable à l’ensemble de la population.
Les espaces publics, et notamment les espaces verts, étaient réservés aux quartiers résidentiels luxueux. Ceux des quartiers défavorisés, rares et bénéficiant de peu d’investissement, étaient le plus souvent conçus et réalisés en dépit des réels besoins des habitants. Dans le même temps, les espaces agricoles périurbains qui avaient durant des siècles approvisionné les villes, subissaient sans pouvoir y résister des pressions foncières qui les condamnaient, à terme, à disparaître faute d’une réelle politique de cohérence territoriale.
Libérées des intérêts financiers largement privatisés qui dominaient les politiques publiques, les villes tunisiennes pourront-elles enfin bénéficier d’une planification territoriale capable d’organiser l’étalement urbain dans l’intérêt de toutes les populations ?
Quelles orientations politiques en matière de transports, d’équipement ou d’espaces publics, pourraient contribuer à inverser la tendance en réduisant la fracture territoriale au lieu de l’aggraver comme elles l’ont fait jusqu’à présent ?
Dans un contexte où le prix des denrées alimentaires reste une préoccupation majeure pour les populations défavorisées, quel rôle pourrait jouer une agriculture de proximité qui occupe encore, en Tunisie, une place importante dans l’économie agro-alimentaire locale ?
Pour répondre aux besoins des habitants en termes de cadre de vie, quelles places respectives devront occuper les espaces verts gérés par les services municipaux et cette agriculture périurbaine économiquement autonome et qui pourrait constituer aussi une composante paysagère pourvoyeuse d’aménités sociales et de qualité environnementale ?
Axe 4 : Accompagner l'éveil de l'espace public tunisien
Toutes les télévisions du monde l’ont montré, la phase déterminante de la Révolution tunisienne s’est déroulée sur le plus connu des espaces publics de Tunis : l’avenue Habib Bourguiba. De fait, c’est toujours dans l’espace public que se déroulent les révolutions. Pourtant, ces espaces d’inspiration haussmannienne dont l’avenue Bourguiba fait partie –comme la place Tahrir au Caire ou, en d’autres temps, le Boulevard Saint-Michel à Paris–, n’ont pas été conçus pour cela, mais au contraire dans l’idée de mieux contrôler les mouvements de foule.
Ce retournement de situation qui a vu l'appropriation par la population d’un espace dont elle se sentait exclue est aussi la manifestation d’un changement radical des relations entre les habitants et leur lieu de vie. Libérée d’une surveillance policière qui la rendait inapte à toute véritable vie sociale, l’avenue Bourguiba est sortie de sa fonction d’espace de représentation du pouvoir pour devenir enfin l’espace des Tunisiens. Dans le même temps, ce sont tous les quartiers de Tunis et des autres villes tunisiennes qui ont vu les habitants s’organiser dans l’urgence avec une efficacité remarquable, marquant là aussi un phénomène d’appropriation des espaces extérieurs qui traduit l’« éveil » de cet espace public dont les Tunisiens étaient jusqu’ici privés.
Cette dimension spatiale de la Révolution, particulièrement visible dans l’espace urbain, sera-t-elle de nature à changer en profondeur la manière dont les Tunisiens vivent leur territoire ?
L’espace public moderne, que l’on a longtemps considéré comme culturellement éloigné des villes arabo-musulmanes, est-il en train de s’inventer une forme spécifique ou reprend-il simplement les modèles connus dans les villes européennes ?
La Tunisie, et plus particulièrement la principale avenue de sa capitale, sont-elle en train de démontrer que l’existence d’un espace public passe nécessairement par la liberté de l’expression publique ?
Quelles conclusions devront en tirer ceux qui auront en charge la conception et l’aménagement des futurs espaces publics tunisiens, entre l’inspiration que pourront fournir les modèles internationaux et la nécessaire invention de nouveaux modèles adaptés aux aspirations profondes de la population ?
Les objectifs du colloque
Deux principales raisons expliquent les problèmes qu’ont posés jusqu’ici les questions d’aménagement du territoire en Tunisie. La première émane de l’exclusion de la société locale dans les grandes décisions politiques, la seconde, structurellement plus préoccupante, est liée à l’absence quasi-totale d’un corps de métier spécifiquement formé à l’étude et la résolution de ce type de question.
Initier ou appliquer une politique territoriale tunisienne durable devra passer désormais par la production de compétences professionnelles appropriées autant que par une approche consensuelle à laquelle les populations locales devront participer, et à laquelle ces professionnels devront être initiés.
Il s’agira de penser la mise en place d’une formation professionnelle spécialisée dans le domaine de l’aménagement du territoire et du cadre de vie. Une formation au paysage, tel que celui-ci est défini par la Convention de Florence (2), et tel qu’il est enseigné aujourd’hui dans la plupart des écoles qui en portent le nom. Une formation qui, sans en nier l’importance historique, dépasse la dimension de l’art des jardins pour traiter de l’aménagement de tous les territoires, des sites d’exceptions aux lieux de vie ordinaires et quotidiens.
Une formation qui contribue à répondre à la dimension spatiale des aspirations de la société tunisienne ; qui contribue à construire l’équité territoriale de la Tunisie.
Une formation qui, pour assurer sa pertinence et sa durabilité, devra s’appuyer sur une articulation efficace entre la recherche et l’enseignement, entre les approches scientifiques et les savoir-faire professionnels.
Ce sont là toutes les ambitions de ce colloque : rassembler les approches des chercheurs de tous horizons disciplinaires concernés par l’aménagement du territoire, pour préfigurer le socle sur lequel s’appuiera ce qui devra se transformer, à terme, en programme pédagogique.
Notes :
1 : Lettre trimestrielle de l’IRMC, n° 5, janvier-mars 2011.
2 : Convention européenne du paysage.
Consignes aux auteurs
Les auteurs désireux de participer au colloque devront adresser au comité d’organisation un résumé de leur intervention d’une page (3500 caractères maxi).
Une fiche ne dépassant pas une page et comportant les indications suivantes sera jointe au résumé :
- Titre de la communication
- Nom et institution de rattachement
- Adresse, e-mail, téléphone
- Champ disciplinaire et/ou formation initiale
- Biographie de l’auteur et publications en rapport avec le sujet (10 lignes maxi)
- Mots-clés (5 maxi)
- Axe pressenti (deux axes peuvent être proposés)
- Pour les doctorants : année d’inscription en thèse, établissement et directeur(s) de thèse
Les communications à plusieurs auteurs seront acceptées, mais la présentation devra se faire à une seule voix.
Les propositions seront adressées avant le 30 juin 2011, uniquement par mail et à l’adresse suivante :